Skilleaders : Le référentiel de compétences comme base de la gestion des talents, axe stratégique de la transformation des entreprises.


Dans cet article, Skilleaders expose les différentes visions de la stratégie compétence et de ses champs d’application.


Article publié initialement sur Medium par Rodolphe de Torquat et Ketcia Thach-Kingsman, co-fondateurs de Skilleaders.


La compétence est devenue “trendy” en 2021. Ce mot est dans la bouche de toutes les entreprises ou départements RH qui se respectent. Mais que cache le mot compétence? Beaucoup de choses…

Déjà un contexte. On ne peut qu’observer, voire subir, la fameuse accélération de la transformation du marché/industrie grâce à une technologie qui se développe à une vitesse hors de portée pour nos processus organisationnels humains.

Il y a 50 ans, une innovation s’opérait tous les 10 ans. Aujourd’hui, c’est au rythme d’une innovation tous les 2 ans qui impacte durablement la stratégie et l’opérationnel des entreprises françaises. L’impact de ces évolutions pousse les entreprises à se questionner de plus en plus rapidement sur l’adéquation de leurs assets (ressources humaines/stratégies/produit/services) par rapport à la demande volatile du marché, et de se poser la question de l’alignement à la vitesse du changement sous peine de rater un tournant majeur pour le développement de leur business (e.g Kodak , BlackBerry, Nokia).

La vitesse du changement a une unité : la compétence.

C’est la seule unité qui permet d’évaluer le positionnement stratégique de n’importe quelle entreprise à un instant T, par rapport à ses compétiteurs, à son marché et au futur.

“ L’essor de la robotisation et de l’intelligence artificielle, notamment, redéfinit complètement le marché du travail. À l’horizon 2030, la grande majorité des emplois serait encore à inventer”, PwC

Mais pour y arriver, encore faut-il s’accorder sur sa “stratégie compétence” … et c’est là que le bât blesse. Les visions stratégiques de la compétence au sein de chaque entreprise, voire des industries sont multiples. Cohérentes mais statiques dans le meilleur cas, contradictoires et décorrélées du marché dans le pire.

Mais toutes ont le mérite d’essayer de mettre en place un modèle de gestion des compétences qui n’a pas (encore) trouvé de solutions probantes ou assez éprouvées.

L’objectif de l’article est de vous exposer les différentes visions co-existantes de la stratégie compétence observées et de son exploitation sur le marché français. En tant que thinktank sur le sujet, Skilleaders partage son point de vue sur l’état de la vision stratégique de la compétence en 2021, en proposant une vision qui ne tient qu’à nous et qui méritera sans aucun doute discussions et débats.

Compétence : qu’est-ce qu’une compétence ?

Il existe des mots à la mode souvent associés à des compétences telles qu’ “Ontologie” ou “Taxonomie” qui ont un un côté un peu savant et nébuleux.

Définir cette notion n’est pas chose facile, on trouve autant de définitions que d’acteurs du monde des RH. Néanmoins l’AFNOR propose une version intéressante de la compétence au sens professionnel du terme :

“Il s’agit d’un ensemble organisé de structures de conduites répondant à un environnement réel dans le cadre professionnel global. La compétence est ce qu’une personne met en œuvre lors de son activité professionnelle pour résoudre un problème réel dans son environnement professionnel total, c’est à dire ses enjeux, ses pressions, ses distorsions et ses anomalies.”

Une fois cela énoncé, il semble important de considérer la compétence, bien sûr de manière professionnelle, mais également le fait que la compétence est liée à un individu dans sa globalité plus qu’à son seul métier. Sur ce point précis Jobintree nous apporte une décomposition de la compétence en plusieurs éléments :

“La compétence est une qualification professionnelle. Elle se décline en savoirs (connaissances), en savoir-faire (pratiques) et en savoir-être (comportements relationnels) ainsi qu’en des aptitudes physiques. Elle est acquise, mise en œuvre ou non sur le poste pour remplir les tâches qui sont attendues.”

L’ensemble de ces éléments peuvent être mis en œuvre ou non dans le cadre d’un poste de travail pour remplir des tâches attendues.

Ainsi, la compétence peut être “active” ou “dormante” et son niveau se dégrade lorsqu’on ne la met pas en pratique.

Ne peut-on pas considérer qu’il est effrayant qu’une grande partie de la compétence dont pourrait disposer l’entreprise n’est pas identifiée ?

En effet, c’est ce qui constitue la vraie valeur ajoutée de toute entreprise et qui définit sa compétitivité sur un marché. C’est également ce qui offre aux collaborateurs des perspectives verticales mais aussi transverses sur la base de leurs compétences.

Il est intéressant de considérer les compétences selon une autre perspective :

  • Les compétences transverses (gestion de projet, management, hardskills et softskills). Bien qu’elles puissent être exprimées de manière différentes selon les entreprises, elles sont en réalité similaires et constituent potentiellement des ponts inter-entreprises peu importe le secteur. Ces compétences peuvent être mises en application en dehors des entreprises. Ce sont celles qui devraient, selon nous, être la base d’un consensus global, que ce soit entre les entreprises, universités, institutions au niveau national et international pour maximiser l’employabilité.
  • Les compétences “ spécifiques”. Elles sont liées à un secteur ou propres à une entreprise. Ces compétences peuvent être apprises en théorie mais sont réellement développées “on the job”. Elles constituent l’expertise de chaque entreprise et sont des charnières pour la progression interne ou la spécialisation des collaborateurs. Les développer permet d’augmenter la différenciation et la compétitivité d’une entreprise sur son marché.

Qu’est ce qu’un référentiel de compétences ?

Une fois que la définition de compétences dans le monde professionnel est admise, il faut comprendre que nous ne faisons que contempler la partie visible de l’iceberg que constitue la notion de compétences pour une organisation.

La compétence seule n’a pas ou peu de poids. Son sens provient de sa contextualisation avec d’autres compétences elles-mêmes constitutives d’un métier ou d’un poste. En d’autres termes, une seule et unique compétence ne peut définir un métier. C’est la somme de plusieurs compétences qui constitue un métier ou un poste spécifique pour une organisation.

Néanmoins, pour être capable d’arriver à faire ses liens et constituer des métiers ou des postes pertinents, il faut au préalable avoir une vision complète et globale des compétences spécifiques et transverses d’une organisation. Cette vision 360° s’appelle le référentiel de compétences.

Différentes définitions

Comme pour la compétence, les définitions du référentiel de compétences sont variées :

  • Foederis, un éditeur de logiciel RH, le décrit comme un “inventaire de l’ensemble des compétences d’une organisation”. Cette définition suggère que le référentiel de compétence doit référer aux compétences internes de l’entreprise.
  • Pour Culture RH, c’est un autre son de cloche. Le référentiel de compétences “permet de rassembler sur un seul et même document l’ensemble des compétences (au sens le plus large possible) nécessaires à la bonne exécution d’un emploi.”

Ici, le référentiel ne doit pas se cantonner aux compétences internes mais bien tenter de couvrir le plus de compétences possibles. Mais ce qui est le plus remarquable sur cette définition, c’est qu’elle accentue le lien entre les compétences et l’exécution de l’emploi. Ce qui signifierait qu’un même métier dans deux entreprises d’une même industrie puisse être décrit avec des compétences complètement différentes .

France Compétence, qui est l’ Autorité nationale de financement et de régulation de la formation professionnelle et de l’apprentissage, suggère qu’un référentiel de compétence ne peut se mettre en place qu’à la condition qu’il y ait “une formalisation préalable d’un référentiel d’activités et qui la transcrit en un langage « compétences »” c’est l’édifice nécessaire pour y arriver.

Jusqu’ici, les référentiels de compétences se sont principalement construits à la main soit par les entreprises elles-mêmes, soit par des organisations comme le ROME, le World Economic Forum, Esco ( European Skills Competencies and Occupations), OIT ( Organisation internationale du Travail) etc. Toutes ont le mérite de proposer une vision. En revanche, le prisme “accélération de la technologie” est sous-estimé ou plutôt insaisissable par les uns et les autres, ce qui pousse à trouver des solutions pour aligner en continue les compétences avec les changements technologiques.

Quelles visions existent aujourd’hui dans la constitution du référentiel ?

  • La vision traditionnelle. Elle consiste pour les RH à aller au contact des managers et des collaborateurs pour recenser les compétences par le biais de groupes de travail ou via les évaluations individuelles. Elles peuvent être assistées dans cette tâche par des cabinets de conseils pour mener ces entretiens. Quand on sait qu’un RH gère en moyenne 225 collaborateurs [1], l’exercice paraît ambitieux. En espérant que la restitution soit uniforme pour tous les RH concernés.
  • La vision technologique. Certaines solutions du marché proposent à leurs clients de constituer un référentiel d’entrée. Il peut être basé sur un ensemble de référentiels du marché (ROME, ESCO, World Economic Forum… ) ou sur la collecte d’informations internes (entretiens d’évaluation, offres d’emploi, CV…). La collecte de ces données est accélérée par la technologie mais est très dépendante de la donnée disponible et exploitable. Cette vision peut également manquer d’adéquation avec le contexte spécifique (compétences spécifiques) de chaque entreprise.
  • La vision hybride. Cette dernière vision est un “mélange” des deux précédentes. Elle consiste à utiliser la technologie pour constituer un référentiel de départ en partant de référentiels du marché et de la collecte des données disponibles dans l’entreprise. Ce référentiel étant complété par les données du terrain collectées, soit par les RH/cabinets de conseil sur des échantillons de managers/collaborateurs, soit directement auprès des collaborateurs par l’auto-déclaration en utilisant la technologie.

Les points de vigilance

Les points de vigilance à mettre en avant lors de la mise en place d’un référentiel de compétences sont :

  • Il doit y avoir une vraie gouvernance dans l’administration du référentiel pour assurer une cohérence avec les objectifs d’entreprise.
  • Les compétences évoluent en permanence au sein de l’entreprise et la base de compétences devient obsolète très rapidement.
  • Cette démarche est coûteuse en moyens, que ce soit en temps RH ou en prestations (de conseil ou technologique). Il est donc clé de réfléchir à une approche dynamique pour avoir une vision en temps réel des nouvelles compétences qui apparaissent chaque jour dans l’entreprise.

Quel usage du référentiel de compétences ?

La question concrète qu’on se pose à la lecture de cet article est :
“ A quoi ça sert un référentiel de compétences ?”

En fin de compte, un référentiel de compétences est “juste” un langage commun sur lequel on s’accorde, tout en prenant les spécificités d’expression des compétences à l’intérieur de son organisation en compte.
Donc oui pour l’instant, chaque référentiel est spécifique à l’organisation à laquelle vous appartenez. Par exemple, les référentiels de compétences de Renault et de Peugeot, bien que dans la même industrie, sont différents. Même si une compétence peut être commune, l’expression de la même compétence peut différer.

La question que l’on abordera probablement dans un autre article est : est-ce que les entreprises d’une même industrie, d’un même pays, ou de manière transnationale n’ont pas intérêt à s’accorder sur des compétences transverses communes ? Après tout, les ressources humaines vont passer d’une entreprise à l’autre, n’a-t-on pas là intérêt à avoir un langage commun ? Nous y reviendrons plus en détail, dans un article dédié.

Plus le référentiel de compétences sera précis, plus l’impact sur les processus RH sera pertinent et efficace.

Un référentiel de compétences va permettre plusieurs types d’actions RH et organisationnels :

La mobilité

L’objectif de la mobilité est de mettre en adéquation les compétences détenues et déclarées par un collaborateur et les opportunités de mobilités internes existantes dans l’entreprise. Le référentiel de compétences servira de base aux matchings entre le collaborateur et l’opportunité.

La nomenclature

Comme partagé tout au long de l’article, le référentiel permet d’avoir une vision 360°des compétences . Il doit refléter la structure de l’organisation et la compétence réelle détenue par ses collaborateurs selon sa stratégie et ses objectifs. On peut même affirmer qu’aucune entreprise sur cette base n’a le même référentiel de compétences.

La formation

La formation est un cas paradoxal. Nous formons nos collaborateurs pour qu’ils développent des compétences. Et pourtant, peu d’entreprises ont mis en place un référentiel de compétences pour comprendre et traquer les résultats de la formation interne des collaborateurs. Toutes les entreprises sont désormais équipées en LMS,LXP, LEP. Et pourtant, toutes sont démunies de la base d’un référentiel de compétences appliquées aux formations dispensées. Peu d’entreprises, à date, peuvent suivre l’évolution de leurs collaborateurs via un langage compétences dédié.

La Communication


Le référentiel de compétence est un langage. De facto, il sert d’harmonisation entre les différents départements d’une entreprise. Aujourd’hui, les départements intra-entreprises ne communiquent pas sur des bases homogènes. Le référentiel permettrait une meilleure compréhension interne des actions liées aux ressources humaines, à l’opérationnel et à la stratégie d’entreprise.

Outil de pilotage


Le pilotage d’un référentiel de compétences à la main est compliqué. Le pilotage se fait “majoritairement” via excel et la complexité est de mise. De plus, l’aspect collaboratif est limité car un fichier excel est difficile de gouvernance. D’autres investissent dans des solutions spécifiques de gestion des talents et des compétences. Elles permettent de “donner vie”, sous forme de tableau de bord, aux résultats de l’usage du référentiel de compétences au sein de leur plateforme.

Recrutement et fiches de métiers


Le référentiel de compétence va permettre de pouvoir identifier rapidement des profils, des compétences critiques, des experts, des métiers en tension. En liant les compétences du référentiel aux différents éléments RH, toute action d’identification des profils ou des compétences manquantes sera nettement améliorée. Cela permettra d’optimiser les actions de recrutement s’assurant de trouver les bons profils en interne avant les actions de recrutements externes.

Evaluation


L’évaluation va être plus précise, car elle va se concentrer sur des compétences qui font sens au sein de l’entreprise. Elle peut se faire au niveau du poste, ou d’une compétence bien précise. L’évaluation est jusqu’ici globale et ne permet pas de trouver rapidement l’origine des difficultés liés à un poste, un métier ou une mission.

Valeur ajoutée


Le référentiel de compétences est un agrégat de la valeur ajoutée existante à l’instant T d’une entreprise. Elle est la preuve vivante de l’évolution de l’organisation, de ses forces, comme de ses faiblesses. Et de par son analyse, on peut l’améliorer pour créer de la valeur ajoutée qui se concrétisera par le développement de ce même référentiel.
Plus les compétences seront précises, plus le référentiel aura de la valeur pour l’organisation, pour ses employés et pour son marché client.

Conclusion


Pour conclure cet article, sorte de manifeste pour la compétence, il est aujourd’hui indispensable pour chaque organisation de connaître les compétences dont elle dispose car c’est ce qui constitue sa valeur intrinsèque et conditionne sa compétitivité sur son marché.

La compétence doit être la base de toute action RH pour à la fois adresser les besoins court et moyen terme (recrutement, évaluation, mobilité, formation…). Mais surtout aligner les ressources humaines à des objectifs d’entreprise sur du long terme.

C’est par ce biais également que les organisations pourront attirer les talents et les retenir grâce aux nombreuses perspectives que le champ des compétences offre, au-delà leur simple fiche de poste.

Ainsi, cette connaissance passe par la construction d’un référentiel de compétences qui vit dans le temps et une convergence de cette donnée dans l’ensemble des processus RH de l’entreprise.

Ce cheminement suppose une prise de conscience globale. Les managers et collaborateurs sur le terrain doivent y être sensibilisés et s’impliquer dans cette révolution.

Conscients de cette nouvelle ère qui s’annonce, nous Skilleaders, avons pour vocation d’apporter notre réflexion non de manière péremptoire, mais bien avec l’ensemble des acteurs du marché pour faire de la compétence un langage commun et un vrai argument de valeur pour toute entreprise.

References
↑1 Source : Sia Partners