Les RH, pilier stratégique des entreprises ?

Les RH, fonction indispensable à la direction de toute organisation, occupent de nombreux rôles, souvent complexes. Recrutement, administratif, management, formation… L’étendue de leurs missions est très large. En une phrase, l’objectif premier des ressources humaines est d’assurer l’épanouissement général des salariés pour maintenir et accroître la compétitivité de l’entreprise. Dans cette optique, leur rôle stratégique est primordial.

Nous avons interviewé Thibaut Chambon, Strategic Account Manager chez Oracle. Riche d’une longue expérience dans l’édition de logiciels et dans le monde des start-up tech et RH (15 ans), il a développé une expertise dans le secteur des ressources humaines. Il nous partage sa vision sur leurs enjeux et leur posture. Retrouvez notre échange dans cet article.

Quels sont selon vous les principaux enjeux auxquels font face les directions RH au sein des entreprises ?

Selon moi, elles font face à trois grands enjeux :

  • L’attraction des talents. Nous faisons face à une pénurie de talents sur certains métiers comme l’IT, la data science, la recherche et la gestion de projet ou encore la gestion de paie. Les offres sont plus nombreuses que les profils disponibles.
  • Les compétences. Dans un monde en constante évolution, comment identifier les compétences actuelles et celles dont l’entreprise aura besoin demain ?
  • L’hybridation du travail. Dans un contexte de généralisation du télétravail, comment maintenir la communication et l’interaction avec les collaborateurs ? Comment s’assurer qu’ils vont bien ? Comment leur donner accès aux outils dont ils ont besoin ou encore aux opportunités d’évolution ?

Quelles actions mettre en place pour y faire face ?

Avoir une politique de rémunération avantageuse n’est plus suffisant pour attirer et retenir les talents. Il faut offrir une véritable expérience collaborateur. C’est-à-dire dans un premier temps simplifier et fluidifier leparcours utilisateur. Être un collaborateur au sein d’une entreprise, c’est un peu comme être un prospect sur un site e-commerce. Si on veut le convertir, il faut réduire le nombre de clics de l’arrivée sur le site à l’achat. De la même façon, pour retenir un candidat, il faut lui présenter dès le processus de recrutement les compétences qu’il va développer. Puis dès l’onboarding, il doit pouvoir se projeter sur son évolution tout au long de son parcours, aussi bien en termes de poste que de savoir-faire à acquérir.

Par ailleurs, aujourd’hui, au cours de sa carrière, une personne travaille en moyenne dans 8 à 12 entreprises différentes. Et elle veut évoluer rapidement, ne pas rester trop longtemps sur le même poste. Retenir et fidéliser les talents est donc un enjeu de taille. D’où l’importance de proposer des opportunités de reconversion et de mobilité interne. Mais pour pouvoir travailler sur cette expérience collaborateur et les faire grandir, il faut savoir sur quelles compétences reposent l’entreprise et celles dont elles ont et/ou auront besoin dans un futur proche. Or personne ne veut se pencher sur ce laborieux référentiel de compétences. Pour moi, c’est un sujet qu’on ne peut pas résoudre sans outils pour cartographier la situation actuelle et se projeter sur des scénarios possibles pour l’avenir. La masse de données à traiter et analyser est trop importante pour pouvoir le faire humainement. 

Quelles pratiques et outils recommandez-vous pour aligner la stratégie de compétences aux enjeux de l’entreprise ?

D’abord, il est important de construire une base. Et une bonne fondation se constitue de données justes, qui restent justes dans le temps. Pour cela, le CoreRH est un must. C’est un système qui va centraliser les processus et garantir la qualité de la donnée car celle-ci sera initiée à un seul endroit. Il aide notamment à construire le référentiel de compétences, un outil qu’on nourrit au quotidien grâce aux informations qui entrent dans le système.

Une fois ces fondations bâties et nourries de données (le volume doit être conséquent), des outils de planification stratégique des compétences (ou “strategic workforce planning”) peuvent aider à prédire des scénarios. De quelles compétences l’entreprise va avoir besoin pour telle ou telle situation à horizon 2030, 2040, etc. ?

Quel rôle jouent les outils SIRH dans la stratégie de compétences des entreprises ?

Ils sont centraux. Les entreprises qui tentent d’automatiser leurs processus RH  manuellement capitulent rapidement. La fonction des logiciels SIRH est de digitaliser 90% de tout ce qui peut l’être, non pas dans le but de réduire les effectifs RH mais dans celui de leur donner 90% de temps en plus.

Quelle est la place de la formation dans l’expérience collaborateur ?

Pour moi, la formation est un investissement nécessaire et durable. Ce n’est pas une tactique pour faire de l’optimisation fiscale. Je dirais même que le gouvernement doit soutenir la formation au sein des organisations, tout comme il avait soutenu le développement de la R&D pour favoriser l’innovation.

Nous ne pouvons pas continuer à dire que 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore [1]Source : Pôle Emploi https://www.pole-emploi.fr/actualites/le-dossier/les-metiers-de-demain/85-des-emplois-de-2030-nexistent.html et faire l’impasse sur la formation pour combler la compétence et favoriser la mobilité interne. La formation doit être continue et apparaître à toutes les étapes de la vie des collaborateurs dans l’entreprise. Savoir la promouvoir devient ainsi primordial. Le marketing de la formation vise en effet à rendre cette dernière plus visible et accessible à tous. Elle ne doit pas simplement être perçue comme une obligation mais plutôt comme un moyen de monter en compétences et de progresser.

D’autre part, rendre la formation plus concrète et surtout, plus corrélée avec la réalité terrain est un enjeu de taille. Si nous voulons convaincre les collaborateurs de se former, il faut leur donner de la visibilité. Leur expliquer ce qu’ils vont savoir faire grâce à cette formation. La relier avec un plan de carrière. Or cela fait partie de la responsabilité du manager.

Comment le discours porté par les RH est-il directement relié à la stratégie de l’entreprise ?

Prendre des décisions et planifier des stratégies à partir de données qui ne sont pas justes et exhaustives est un exercice périlleux qui peut décrédibiliser l’action RH. Et pourtant, les différents scénarios RH permettant de répondre aux enjeux de l’entreprise sont des données essentielles pour toute direction générale afin de guider les grandes décisions.

Nous observons depuis quelques années que les RH sont de plus en plus visibles dans la stratégie des entreprises. C’est donc clairement une opportunité pour celles-ci de lancer des projets de transformation RH en profondeur.  

Selon vous, quel est le prochain grand tournant à ne pas manquer pour les RH dans les années à venir ?

Le grand défi des RH est pour moi d’être capable de proposer aux collaborateurs une expérience de vie dans l’entreprise, qui soit d’une qualité et d’une fluidité optimales. Je pense que nous devons nous affranchir des silos d’entreprise et réfléchir en logique de parcours, de moments de vie. Par exemple : je viens d’avoir un enfant et je dois partir en congés maternité ou paternité. Concrètement, à qui dois-je parler pour tout l’aspect administratif ? A qui dois-je confier mes différents types de mission ? Quels délais dois-je respecter ? L’idée est de développer une plateforme interne qui indique tout ce que le collaborateur doit faire pour l’ensemble des situations auxquelles il peut se retrouver confronté. Et c’est aux RH que revient cette mission puisqu’elles sont en charge de l’expérience collaborateur.